284                            [-584]JOURNAL
lettres patentes de suppression de soixante-six. edits pa-paravant publiés en ladite cour.
. En ce mois de novembre, Pierre Desgais (-), sieur de Belleville, gentilhomme huguenot du pays Chartrain, âgé de soixante-dix ans, fut envoyé à la Bastille par commandement du Roy, parce qu'il avoit été trouvé saisi de quelques pasquils et vers diffamans sur Sa Ma­jesté, et qu'il avoit (sur ce interrogé) reconnu les avoir faits. Le Roy lui-même le voulut ouir, et lui demanda si la religion dont il faisoit profession le dispensoit de médire de son Roy et de son prince ; et si lui pu autres de sa religion pouvoient prendre juste occasion de ce faire, pour quelque mauvais traitement qu'ils eussent reçu de lui? A quoi le gentilhomme répondit que non. « Pourquoy donc, dit le Roy, et sur quel sujet, avez-« vous écrit ce que vous avez écrit en médisant de moy, « qui, outre que je suis votre Roy, ne vous en ai ja-« mais donné occasion? » [Alors le gentilhomme se sentant pressé, au lieu de reconnoître sa faute et en demander pardon à Sa Majesté, s'oublia tant qu'il lui va répondre :] « Je me suis dispensé de ce faire, a sur le bruit tout commun ; et c'est la voix de tout a le peuple. — Je sçais, répliqua le Roy indigné, « quelle est la voix de mon peuple : c'est qu'on ne « fait pas de justice, principalement de gens comme a vous; mais on vous la fera. » Et le renvoyant à sa cour de parlement, lui enjoignit de lui faire son pro­cès ; par l'arrêt de laquelle cour il fut le premier dé­cembre mené en Greve dans un tombereau, et là pendu, puis son corps et ses écrits brulés.
(0 Pierre Desgais : Il se nommoit Pierre cTEsguain.
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